
Par Martin Kear, Université de Sydney pour The Conversation, le 5 septembre 2025
Le Hamas a annoncé avoir accepté plusieurs parties du plan de paix proposé par le président américain Donald Trump et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour mettre enfin un terme à la guerre menée par Israël contre Gaza.
Le Hamas a accepté de libérer les prisonniers israéliens qu'il détient encore et est disposé à confier l'administration de Gaza à un comité technocratique proposé par le plan.
Cependant, le Hamas a déclaré qu'il désarmera pas. Il n'a pas non plus accepté de se retirer complètement de la politique palestinienne. Il a plutôt déclaré que l'avenir de la bande de Gaza et les droits légitimes du peuple palestinien doivent être établis sur la base d'une "position nationale collective" et des lois et résolutions internationales pertinentes.
Alors que les pourparlers de cessez-le-feu reprennent en Égypte aujourd'hui, M. Netanyahu a déclaré s'attendre à ce que les otages soient rapidement libérés et M. Trump pense que le Hamas est "prêt pour une paix durable".
Cependant, le Hamas a de nombreuses raisons d'hésiter à soutenir un plan plein d'ambiguïtés qui prive les Palestiniens de leur capacité à décider de leur propre destin politique.
Un futur plan de gouvernance qui marginalise les Palestiniens
Alors, pourquoi le Hamas est-t-il réticent ?
Tout d'abord, le plan prévoit que l'occupation militaire israélienne de Gaza se poursuive jusqu'à ce qu'Israël puisse transférer la responsabilité à une "force internationale de stabilisation" à un moment donné dans le futur.
Vient ensuite la structure de gouvernance proposée par le plan.
Selon ce dernier, Gaza serait administrée pendant une période de transition par "un comité palestinien technocratique et apolitique". Celui-ci serait chargé de fournir des services de base à des millions de Gazaouis affamés, traumatisés, sans abri et sans emploi.
Ce comité serait toutefois composé d'experts internationaux, réduisant ainsi l'influence des Palestiniens et leur capacité à décider du sort des Gazaouis. De nombreux détails restent encore à préciser, notamment la composition du comité, sa date de formation et le nombre de membres palestiniens.
Un nouvel organe international de transition, appelé "Conseil de paix", serait également formé, présidé par Trump et comprendrait, semble-t-il, l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Reste à savoir si le conseil comprendra des Palestiniens.
Ce conseil serait chargé de la "surveillance et de la supervision" du nouveau comité. Il superviserait également la reconstruction de Gaza jusqu'à ce que l'Autorité palestinienne (AP), actuellement dominée par le parti du Fatah, fasse l'objet de réformes et soit en mesure de reprendre le contrôle de Gaza.
Là encore, de nombreuses questions restent sans réponse. Parmi celles-ci :
- le calendrier des nouvelles élections pour l'Autorité palestinienne
- la possibilité pour les Gazaouis de participer aux élections
- les factions politiques autorisées à présenter des candidats
- la sélection éventuelle de ces candidats par le conseil, et
- qui décidera si l'AP s'est suffisamment réformée.
Le processus politique reste ainsi ouvert à différentes interprétations, qui pourraient priver les Palestiniens de leur pouvoir, comme le craint le Hamas.
Après la publication de la déclaration du Hamas, un haut responsable de ce mouvement a catégoriquement rejeté l'idée du "Conseil de paix", déclarant :
"Nous n'accepterons jamais que des non-Palestiniens contrôlent les Palestiniens".
Le plan stipule également que le Hamas et "d'autres factions" (non précisées) n'auront aucun rôle à jouer dans la future gouvernance de Gaza. Il impose également la démilitarisation de Gaza. Mais là encore, on ignore les modalités et les acteurs de cette démilitarisation.
Ce que les Palestiniens disent vouloir
Ces dispositions ne privent pas seulement les Palestiniens de leur pouvoir d'action. Elles ignorent la réalité de la politique palestinienne et la légitimité que les Palestiniens accordent à la résistance à l'occupation israélienne et à l' objectif déclaré du gouvernement Netanyahu de nier l'État palestinien.
Le plus grand défi à relever pour le "Conseil de paix" est donc clair : une Autorité palestinienne réformée sous le contrôle du Fatah peinerait à gagner en légitimité auprès des Palestiniens.
Selon un sondage réalisé en mai auprès de 1 270 personnes dans les territoires occupés, le Fatah n'a recueilli que 21 % des suffrages, contre 32 % pour le Hamas et 12 % pour les autres partis.
Interrogés sur les actions que l'Autorité palestinienne devrait mener, la plupart des personnes interrogées ont répondu souhaiter la formation d'un gouvernement d'union nationale incluant toutes les factions palestiniennes, afin de négocier avec Israël et la communauté internationale la reconstruction de Gaza.
Interrogés sur les projets de désarmement du Hamas, 77 % des personnes sondées en Cisjordanie et à Gaza se sont opposées à cette mesure, et 65 % à l'expulsion des dirigeants du Hamas de Gaza.
Mais 80 % des personnes interrogées pensent qu'en cas de désarmement du Hamas, Israël ne mettra pas fin à la guerre et ne se retirera pas de Gaza.
En réalité, nombreux sont les Palestiniens qui souhaitent toujours que le Hamas fasse partie du futur gouvernement palestinien et continue de protéger les Gazaouis de l'armée israélienne.
Le décalage entre les ambitions du plan et la réalité politique sur le terrain indique qu'il a peu de chances d'aboutir, même si le Hamas finit par l'accepter.
On ignore également si Netanyahu soutient véritablement l'idée que l'Autorité palestinienne dirige le futur Gaza, comme le prévoit le plan de paix. Ses déclarations aux côtés de Trump la semaine dernière sont en contradiction avec ce plan :
"Votre plan est conforme aux cinq principes que mon gouvernement a fixés pour la fin de la guerre et l'après-Hamas. [...] Gaza sera dotée d'une administration civile pacifique qui ne sera dirigée ni par le Hamas ni par l'Autorité palestinienne".
Ce qui montre que l'objectif principal de Netanyahu est de démanteler les capacités militaires et le pouvoir politique du Hamas, tout en maintenant la division politique qui existe actuellement entre Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.
Cependant, les Palestiniens se verraient alors privés de la seule faction que beaucoup considèrent comme la seule à même de résister à l'occupation israélienne et de contrer l'intention de l'État hébreu de saboter toute chance de création d'un État palestinien.
De plus, la mise en place d'une nouvelle bureaucratie civile et militaire pour assurer la transition de Gaza pourrait s'avérer très longue, et serait soumise aux caprices de la politique occidentale.
L'armée israélienne occuperait alors Gaza pour une durée indéterminée. Rien ni personne ne protégerait alors les millions de Gazaouis de nouvelles attaques d'une armée déjà accusée de graves et nombreuses et graves violations du droit international humanitaire.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Martin Kear, maître de conférences, département des sciences politiques et des relations internationales, Université de Sydney
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